Un joli clin d’œil à Cyrille ...Et si liberté s'écrivait Léticia....
Mais c'est avant tout un poème magnifique
de Paul Eluard, en direction de ceux qui souffrent sous le joug d'opprimeurs de
tous poils ... et pas seulement ceux loin de chez nous. C'est le premier mot
sur le fronton de nos édifices publics, qu'il soit aussi de fil de nos vies, courtes,
si courtes ... trop courtes... pour certains....
Liberté
Sur
mes cahiers d’écolier
Sur
mon pupitre et les arbres
Sur
le sable de neige
J’écris
ton nom
Sur
toutes les pages lues
Sur
toutes les pages blanches
Pierre
sang papier ou cendre
J’écris
ton nom
Sur
les images dorées
Sur
les armes des guerriers
Sur
la couronne des rois
J’écris
ton nom
Sur
la jungle et le désert
Sur
les nids sur les genêts
Sur
l’écho de mon enfance
J’écris
ton nom
Sur
les merveilles des nuits
Sur
le pain blanc des journées
Sur
les saisons fiancées
J’écris
ton nom
Sur
tous mes chiffons d’azur
Sur
l’étang soleil moisi
Sur
le lac lune vivante
J’écris
ton nom
Sur
les champs sur l’horizon
Sur
les ailes des oiseaux
Et
sur le moulin des ombres
J’écris
ton nom
Sur
chaque bouffée d’aurore
Sur
la mer sur les bateaux
Sur
la montagne démente
J’écris
ton nom
Sur
la mousse des nuages
Sur
les sueurs de l’orage
Sur
la pluie épaisse et fade
J’écris
ton nom
Sur
les formes scintillantes
Sur
les cloches des couleurs
Sur
la vérité physique
J’écris
ton nom
Sur
les sentiers éveillés
Sur
les routes déployées
Sur
les places qui débordent
J’écris
ton nom
Sur
la lampe qui s’allume
Sur
la lampe qui s’éteint
Sur
mes raisons réunies
J’écris
ton nom
Sur
le fruit coupé en deux
Du
miroir et de ma chambre
Sur
mon lit coquille vide
J’écris
ton nom
Sur
mon chien gourmand et tendre
Sur
ses oreilles dressées
Sur
sa patte maladroite
J’écris
ton nom
Sur
le tremplin de ma porte
Sur
les objets familiers
Sur
le flot du feu béni
J’écris
ton nom
Sur
toute chair accordée
Sur
le front de mes amis
Sur
chaque main qui se tend
J’écris
ton nom
Sur
la vitre des surprises
Sur
les lèvres attendries
Bien
au-dessus du silence
J’écris
ton nom
Sur
mes refuges détruits
Sur
mes phares écroulés
Sur
les murs de mon ennui
J’écris
ton nom
Sur
l’absence sans désir
Sur
la solitude nue
Sur
les marches de la mort
J’écris
ton nom
Sur
la santé revenue
Sur
le risque disparu
Sur
l’espoir sans souvenir
J’écris
ton nom
Et
par le pouvoir d’un mot
Je
recommence ma vie
Je
suis né pour te connaître
Pour
te nommer
Liberté
de Paul
Eluard, Poésies et vérités, 1942